Pourquoi croyons-nous devoir consommer notre spiritualité ? Parce qu'elle devient extérieure !
Nous vivons une époque où tout se cristallise, tout devient dur et matériel. Je pourrais développer des heures, mais je me risque à raccourcir : la spiritualité s'exprime aujourd'hui plus dans le vêtement que dans le cœur, plus dans le paraître que dans le partage. Si je fais du yoga, le legging c'est pratique, mais pourquoi un Lollë à 250$ ? Si je médite, un mala why not, mais pourquoi le montrer ? (j'en profite pour dire qu'un des principes de base du mala c'est qu'il doit être caché)
La spiritualité c'est devenu un truc qu'on montre ! "If it's not on instagram, it didn't happen", right? On est allé à telle retraite, on a un nouveau tambour, on brûle de la sauge produite en série, et tout ça ! Guys, la spiritualité par définition c'est un truc intérieur. Ca n'a pas besoin d'être caché, ça n'a pas besoin d'être montré, et surtout elle n'a pas d'apparence. Les dogmes ont une apparence, les mythes ont une apparence, les modes ont une apparence.
L'expérience intérieure est propre à chacun. Elle revêt des formes parfois, des images et des couleurs parfois, mais de la même manière que les mots ne peuvent en exprimer la profondeur, les représentations ne peuvent en exprimer la teneur. Il me semble que si vous adoptez une esthétique liée à votre pratique spirituelle, c'est plus par une volonté d'appartenance au groupe, que par une volonté d'épanouissement intérieur. "Je suis une white witch par ci, je suis une yogi par là, je suis chamane par ci et bouddhiste par là - ça dépend des semaines."
Je reconnais que parfois le vêtement a une valeur spirituelle et qu'il est même parfois un vecteur de profondeur. C'est le cas pour la coiffe de la sœur (soror), le voile de la sœur (أخت) et la perruque de la sœur (אָחוֹת). Couvrir sa tête pour intérioriser, pour se centrer dans la prière, comme une forme de pratyahara : un retrait des sens, pour être en soi. Et alors l'esthétique rejoint le sens, comme dans la réalisation d'un mandala ou d'une icône.
Alors pourquoi j'écris tout ça ? J'écris tout ça pour nous mettre en garde contre nos propres excès, contre notre tendance à la matérialité et au consumérisme. Je suis sûre que vous voyez de quoi je parle quand je dénonce cette exhibition de la spiritualité et ce qui me gêne c'est que ça donne l'impression que la spiritualité se porte et s'achète - surtout dans le monde du Yoga ! Et quel paradoxe, quand les ascètes et renonçants en sont les porte-drapeaux !
Vous savez, j'ai vécu dans un ashram et on y faisait du yoga en jogging sur la moquette ou en short dans l'herbe, les gros, les vieux, les excités et les paresseux ensemble. Maintenant je vis à Biarritz et je reçois beaucoup de personnes au cabinet qui me disent qu'elles aimeraient faire du yoga mais n'osent pas y aller parce qu'elles ne rentrent pas dans le moule de la surfeuse-yogi (vivre ici m'a appris que la surfeuse n'avait pas de moule non plus, mais les clichés résistent).
J'ai aussi vécu dans une cité au milieu de plein de gens en difficulté financière et je n'ai jamais retrouvé d'endroit où la spiritualité était si vivante ! Pourtant j'ai ensuite vécu au Portugal parmi les grenouilles de bénitiers, mais je vous assure que toutes ces expériences m'ont appris que plus on montre sa spiritualité, plus elle est extériorisée, moins elle est ressentie et profonde.
Je crois sincèrement dans la valeur du partage et de la parole dans l'élévation et la connaissance du Soi. Je crois aussi à la valeur du groupe, de la sangha, de la communauté. Je ne crois pas en revanche qu'il soit nécessaire d'acheter quoi que ce soit pour vivre sa spiritualité. Il suffit de se tourner vers l'intérieur et d'observer. Le retour au Soi.
La prière consiste à entendre les plaintes des affligés et à leur prêter secours ; à aider les nécessiteux et les opprimés ; à nourrir ceux qui ont faim et à libérer les captifs de leur captivité. - Mu'in al-Din Chishti
Namastê Salam
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