Il semble "normal" d'avoir peur de la mort et il semble "inapproprié" d'en discuter. A chaque fois qu'on commence une discussion sur une peur, la personne se justifie par "j'ai peur, c'est comme ça, j'y peux rien". Ben si, on y peut et on doit ! Entamons ici trois pistes de réflexion, que je vous encourage à poursuivre dans vos propres méditations :
1/ Votre culpabilité
Si vous pensez qu'il n'y a rien après la mort, alors comment expliquer que vous n'avez peur de rien ? Si vous pensez qu'il y a quelque chose après la mort, alors vous auriez peur de ? Dieu ? Ha non, vous avez peur de ce que les religions abrahamiques appellent le jugement (individuel puis dernier), et/ou vous avez peur de ce que les religions dharmiques appellent la réincarnation. Et si vous avez peur de cela, c'est que vous vous attendez à être jugé coupable. Coupable de quoi ? Que faites vous dans cette vie ou que ne faites vous pas pour vous sentir coupable ? Je suis désolée de ne pas être plus douce dans cette conversation qui, je l'entends, peut être difficile pour vous mais je pense qu'il est nécessaire parfois de secouer le cocotier pour qu'il nourrisse la terre de son jus.
Alors la première piste de réflexion est celle-ci : que puis-je entreprendre ou arrêter pour que mon cœur soit en paix lorsque mon corps rendra son dernier souffle ?
Mes mots sont choisis avec précision. Toutes les religions qu'il m'a été donné d'étudier enseignent que ce qui définit le "sort" après la vie corporelle est l'état de notre cœur au moment de notre mort. Le cœur dans les Traditions est le siège de l'intellect et du discernement, il n'est pas le cœur émotionnel que nous désignons. Cela signifie que c'est notre clarté d'esprit, notre dévoilement intérieur, notre paix intérieur qu'on aimerait manifester à ce moment-là. Et c'est pourquoi il est aussi recommandé de prier dans notre dernier souffle.
Le souffle est la vie. Le souffle ne fait que traverser notre corps. Il nous a insuffler la vie - encore une fois dans toute les Traditions - c'est le souffle divin, c'est le ruh de l'islam et le prana du Vedanta. Du premier au dernier souffle, nous sommes incarnés. Ensuite le corps est rendu a la terre qui l'a nourri et porté. Et cela me mène à la seconde piste.
2/ La mort, naissance de l'âme
"De même que la naissance de l'enfant n'est rien d'autre que sa sortie de l'utérus, de même la naissance de l'âme n'est rien d'autre que sa séparation d'avec le corps." J'aurais envie de vous écrire toute la démonstration qui précède cette phrase dans les Épîtres des Frères en Pureté, mais je dois la résumer ainsi : l'âme traverse des états au fil de son existence et nous en avons une parfaite illustration dans le fœtus. Après s'être développé dans une obscurité tiède et confortable, le fœtus se voit arraché à son habitat qui se contracte et se déchire, il naît dans la douleur, le sang et les cris. La mort du corps n'est que l'abandon du corps, l'âme, comme elle est entrée et sortie de l'utérus, continue son développement dans un prochain état. Nous passons d'un milieu à un autre, toujours plus grand, toujours plus large, pour finalement rejoindre l'Infini.
3/ L'aspiration à l'autre monde
L'aspiration à l'autre monde est le propre d'un homme intelligent et courageux selon le Caraka Samhita (Su.11:3). Il ne s'agit évidemment pas d'un désir d'écourter la vie incarnée (la vie de chair) mais de préparer avec enthousiasme notre départ comme on le ferait pour le voyage de nos rêves. Et comme l'hygiène de vie et les pensées de la mère pendant la grossesse impactent l'enfant après sa naissance, de la même manière le prochain état de notre âme est impacté par le soin qu'on lui aura accordé dans cette vie. C'est le poète Kabîr qui disait en parlant du corps : "je le traite avec le plus grand soin afin de le rendre en parfait état" (I treat it with utmost care, so i return it pristine). En ayurvéda, on considère le mental comme une partie du corps, il est un organe, et bien qu'il s'éteigne en léger différé avec le corps, il fait partie de ce que l'âme laisse à la Terre. Prendre soin de notre corps-mental, c'est pourvoir au besoin du fœtus de notre âme pour qu'elle continue de s'épanouir.
Et je ne résiste pas à laisser les Frères en Pureté (groupe de savants du Xeme siècle) conclure :
"Mais du fait que le fœtus est ainsi amené dans l'espace de ce monde avec la douceur de sa brise et l'illumination de ses lumières, que l'enfant recommence alors à agir, poursuivant sa vie dans les plaisirs de l'existence et la jouissance des bienfaits de ce monde, qu'il a été ainsi capable d'être sauvé par Dieu de ce lieu exigu, obscur et déficient, pour profiter des circonstances de cette demeure faite de changement et de perturbations, il voit toute la sagesse et la raison à cette sortie hors de ce lieu."
La Paix
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