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Ghee, viande et vin

Dernière mise à jour : 29 avr. 2022

Comment le ghee, la viande et le vin se retrouvent qualifiés de "ayurvédiques" par les personnes qui lisent avec des œillères.


Vous avez peut-être écouté mon intervention sur le ghee dans le podcast ayurvéda avec Nath et Lauren et vous avez déjà une petite idée. J'ai envie de donner un exemple concret, quitte à être insistante, parce que ce sont des choses que je lis trop souvent dans les publications de certains thérapeutes et influenceurs "ayurvédiques". L'Ayurvéda ce n'est pas une liste de produits exotiques, et ce n'est pas non plus un tableau à deux colonnes "ça c'est bien / ça c'est pas bien". Les textes classiques de l'Ayurvéda décrivent objectivement les causes et les conséquences des choses que nous faisons. C'est à nous, en fonction de nos objectifs et surtout de notre contexte, d'observer avec discernement et de décider si cela nous est bénéfique ou non.


Le contexte général est tout de même que les principales causes de mortalité en France sont les tumeurs malignes, les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires. Elles sont ce qu'on appelle en Ayurvéda "des maladies d'excès", ce sont des tissus et déchets qui s'amassent dans notre corps, empêchant une juste circulation et créant ces troubles. C'est aussi le facteur principal des maladies inflammatoires et auto-immunes. Ceci étant dit, il faut aussi considérer que certaines personnes souffrent de "maladies de manque", comme l'anorexie, et que les indications dans ce cas sont le contraire des premières.


Prenons maintenant l'exemple du vin. J'ai lu plusieurs fois, dans la plume de praticiens que je respecte par ailleurs, que le vin était favorable pour les types Vata et Kapha car il est chauffant. D'un autre côté, l'OMS indique l'alcool comme un cancérigène de classe 1. Et il est vrai que l'alcool est utilisé en Ayurvéda pour traiter certains maux. Mais l'alcool est dans ce cas utilisé comme un médicament ! La différence entre un aliment et un médicament, c'est la dose et le moment. Les doses citées dans les textes sont de type une ou deux cuillères, et l'alcool produit d'une manière très particulière, qui n'est pas celle pratiquée à Bordeaux ou à Cognac.


En ce qui concerne le ghee, il est vrai qu'il est loué comme un élixir dans ces textes écrits il y a 3000 ans dans l'Himalaya ; c'est-à-dire dans un environnement pauvre en nourriture, pas à l'ère des superettes 24/7. Et c'est la même chose pour la viande, qui est effectivement efficace pour alourdir et construire les corps, mais aussi qui apporte certains nutriments quand les végétaux ne sont pas disponibles (à cause de la saison et du climat). De surcroit, au-delà des contextes qui sont très différents entre la pénurie des millénaires passés et l'abondance de notre siècle, il faut aussi considérer les détails de ce qui est recommandé comme "ghee" et "viande", et ce serait bien trop long de les énoncer ici mais il est clair que cela ne correspond pas à ce qui nous et accessible ; sauf si on a une vache dans son jardin et qu'on chasse.


Mais alors pourquoi il y a tant de discours contradictoires ? D'abord parce que la vérité est sphérique et que chaque personne s'exprime depuis son point de vue, qui est par essence partiel. Mais aussi, et très souvent , parce que les personnes ne lisent que des bouts de textes et les appliquent littéralement. C'est un phénomène qui est présent dans TOUTES les traditions : on s'attache à un bout de texte comme une vérité sacrée, et on oublie de réfléchir au sens du livre dans sa globalité pour interpréter le verset en question. Je vous donne donc un exemple concret pour notre propos :


"Le sommeil, la joie, un lit confortable, le repos de l'esprit, la quiétude, l'abstention de travail intellectuel, de coït et d'exercice physique, les images agréables, les céréales nouvelles, du vin nouveau, les jus de viande d'animaux domestiques, subaquatiques et aquatiques, des viandes bien apprêtées, le lait caillé, le beurre clarifié, le lait, le jus de canne à sucre, le riz, le froment, les préparations à base de mélasse, les lavements gras et doux, les massages réguliers à l'huile de sésame, l'onguent gras, le bain, l'usage d'arômes et de colliers, le port de vêtements blancs, l'évacuation régulières des doshas et l'administration de traitements vitalisants et virilisants combattent l'émaciation et disposent la plénitude des corps". Caraka samhita, Su. 21, 29-33.


Jusqu'ici ça a l'air top nan ? "disposent la plénitude des corps"... ça donne presque envie de faire des tartines de pain au froment avec du beurre et de ne plus faire de sport nan ?! haha ! Sauf, que la phrase d'après est :


"En s'abstenant de travail intellectuel, en mangeant des aliments nourrissants et en s'adonnant au sommeil, l'homme grossit comme un porc." Caraka samhita, Su. 21, 34.


Cette dernière phrase est simplement un résumé de ce qui a été énuméré au-dessus, mais sans elle et sans une connaissance globale du texte, on aurait aisément pu mal comprendre et croire que "c'est bien" de consommer ces produits et s'abstenir de ces activités. Elles sont, oui, favorable pour remédier à l'émaciation des personnes fragilisées, qui par exemple auraient pu souffrir de la fièvre typhoïde. Mais elles sont plutôt très nocives pour la majorité des personnes qui, aujourd'hui, souffrent de maladies d'excès comme nous l'avons développé ci-avant.


On pourrait aussi parler de la traduction du mot "plénitude" : est-ce qu'il voulait dire "plénitude" au sens du bonheur comme nous l'entendons généralement ou plutôt "plein" comme "full". Mais je m'arrête là avant de déborder, et en espérant que ça vous donne matière à réfléchir.


Namastê Salam.

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